L'industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante à ce jour. État des lieux d'une situation dramatique, et coup d'oeil encourageant sur les initiatives existantes et réalistes pour une mode plus respectueuse.
Avec l’avènement de la fast-fashion, les consommateurs sont amenés à renouveler régulièrement leur garde-robe à moindre coût. Malheureusement, un coût, il y en a un, et il est bien plus important que ce qu’ils peuvent imaginer. Se procurer un jean neuf à 8€, un t-shirt à 3€ ou encore un pull à 10€ n’est pas sans conséquences, et c’est un mode de consommation qui engendre de multiples problèmes sur différents points :
Les conséquences environnementales
En plus d’être une catastrophe humaine, l’industrie de la mode pose également problème d’un point de vue environnemental. Les Européens consomment près de vingt-six kilos de textile par an et en jettent environ onze ; à l’échelle mondiale, ce sont environ 130 millions de vêtements qui sont consommés chaque année. Cette attitude de surconsommation et de gaspillage mène à l’apparition de lieux surréalistes comme des décharges d’invendus qui se transforment en étendues de textile, comme le désert d’Atacama. C’est au Chili que se trouve ce lieu au sein duquel on trouve une décharge de vêtements venants des quatre coins du globe. Chaque année, c’est 59000 tonnes de textile qui entrent dans le port d’Iquique avant de finir dans ce cimetière de vêtements.
Martin Bernetti / AFP
La mode est une industrie qui détruit les terres, les eaux et les airs : deuxième source de pollution de l’eau potable et des nappes phréatiques, notamment par tous les rejets de produits chimiques que les usines émettent, elle pollue également le monde marin avec un rejet de plastique estimé à l’équivalent de cinquante milliards de bouteilles par an. Il faut également noter qu’une utilisation massive d’électricité est requise pour faire fonctionner les machines, et qu’en ce qui concerne le CO2, la quantité émise est supérieure à celle des secteurs maritimes et aériens réunis.
Autre point qui pollue par effet boule de neige : la qualité des vêtements. Il faut savoir que plus de deux tiers des vêtements créés sont fait de matières synthétiques, notamment créées à base de pétrole. Cette qualité médiocre amène à un tissu fragile et difficilement réparable. De plus, avec le rythme de travail demandé, une pièce est fabriquée en quelques minutes, elle est donc généralement fabriquée de manière peu soigneuse, ce qui peut mener à une lassitude prématurée. Tous ces critères incitent donc à un renouvellement de garde-robe régulier, et par conséquent une augmentation de la production.
En achetant dans la fast-fashion, les consommateurs mettent en avant l’argument des prix qui sont particulièrement bas. Cependant, sur le long terme, consommer ce type de vêtement coûte plus cher que d’investir sur quelques pièces de qualité. En effet, il est nécessaire de souvent racheter plus à cause de la mauvaise qualité, donc de dépenser plus dans la durée. C’est de ce phénomène qu’est issue l’adage « consommer moins mais consommer mieux »
Les conséquences humaines
Au sein de la production de textile destinée à la fast-fashion, les droits humains sont loin d’être respectés, et le travail est effectué dans des conditions désastreuses. Dans le monde, le salaire moyen de ces employés est de 5 dollars par jour, et nous trouvons le plus bas en Chine, au sein d’une usine SheIn, avec l’équivalent de 1 à 2 euros de l’heure. Mais, cela se passe assi en Occident, bien plus proche de chez nous : en Angleterre, les employés d’une usine Boohoo sont payés 3,5 livres de l’heure, soit quasiment trois fois moins que le minimum légal. Ils ont des contrats précaires, pouvant être renvoyés dès qu’on estime qu’ils ne sont pas assez productifs, et n’ont aucune couverture sociale ni assurance maladie. De plus, tout cela facilite la mise en place de harcèlement moral, car ils se plient aux exigences et se laissent marcher dessus pour ne pas perdre leur place qui est précieuse.
La production de textile est également un monde dans lequel il y a une insécurité certaine sur le lieu de travail. Insalubrité, contact avec des produits dangereux ou encore normes de sécurité inexistantes, les employés y risquent leurs vies chaque jour. L’exemple le plus populaire : en 2013, le bâtiment Rana Plaza, qui faisait office d’usine de textile au Bangladesh, s’est effondré, provoquant le décès de plus de 1100 personnes, et autant de blessés. Cet immeuble construit sans permis et sans respect d’aucune norme illustre parfaitement cette tendance pour les producteurs à vouloir dépenser le moins possible pour faire le plus de profit, sans prendre en compte les conséquences.
REUTERS/ANDREW BIRAJ
Les droits humains sont donc un sujet central dans le monde du textile : en Chine, pays producteur leader de l’industrie du textile, le peuple Ouïghour est persécuté. Cette minorité musulmane est majoritairement présente dans la région du Xinjiang, au sein de laquelle 20 % du coton mondial est cultivé. Cette population subit le travail forcé, une forme d’esclavagisme moderne. On trouve des situations similaires en Éthiopie, à Haïti ou encore au Bangladesh.
La santé des employés est également rudement mise à l’épreuve. Entourés de produits chimiques présents dans les tissus, ils sont exposés à des perturbateurs endocriniens qui peuvent impacter la fertilité et mener au développement de cancers. Nous trouvons par exemple chez SheIn des semaines qui peuvent monter à 75h de travail avec seulement un jour de congé par mois ; des conditions qui ne vont pas de pair avec une bonne santé.
Enfin, en ce qui concerne l’égalité, il faut savoir que les femmes sont majoritaires dans l’industrie textile, représentant 85 % des 75 millions de personnes employées dans le monde. Elles exercent 80 % du travail agricole mais ne sont propriétaires que de 5 % des surfaces, et ne perçoivent que 10 % des revenus, ce qui prouve l’importante inégalité présente dans ce milieu.
Quelles actions pour réduire l'impact de l'industrie textile ?
Depuis que l’on dénonce les multiples impacts négatifs de l’industrie textile, certaines marques et créateurs souhaitent s’engager dans une démarche plus écologique et humaine. Il existe différentes alternatives, mais attention de ne pas tomber dans les pièges.
On trouve tout d’abord des créateurs, de haute couture ou non, qui font en sorte d’avoir une empreinte carbone minime. La créatrice française Marine Serre en fait partie, ayant pour volonté de redonner un sens à la mode, notamment en travaillant avec l’upcycling, le destockage et les matières régénérées.
A voir : le reportage sur Marine Serre par Les Éclaireurs
Pour le point culture, l’upcycling consiste à retravailler une pièce qui aurait été jetée pour lui donner une seconde vie. Ses collections sont créés à partir de tapis, de totes bags ou encore de taies d’oreillers. Elle a produit un show avec un décor constitué de trois tonnes de vêtements qu’elle va par la suite utiliser pour produire ses prochaines collections. Il y a donc une réelle démarche pour réduire les déchets et revaloriser le textile
On peut aussi citer Vivienne Westwood, icône punk engagée sur tous les fronts qui nous a quittés en 2022, et qui militait contre le dérèglement climatique depuis le début des années 2000. C’est en 2014 qu’elle a lancé le mouvement « réduire, réutiliser, repenser » (Buy less, choose well, make it last) avec son compagnon, et qu’elle a créé à partir d’invendus et de chutes de tissu.
Pour aller plus loin : L'article de Néon, "Mode éthique, identité de genre, écologie : retour sur les combats de l'impératrice du punk Vivienne Westwood"
Comme on l’a vu précédemment, le meilleur état d’esprit reste celui de « consommer moins mais mieux ». Quand on souhaite entrer dans ce mode de vie, on peut se tourner vers des marques locales, c’est-à-dire européennes, voire françaises, de la création à la vente.
A parcourir : le site The Good Goods, média mode éco-responsable
Parmi les plus connues, on trouve « Le slip français », marque mixte de pyjamas et de sous-vêtements, qui comptabilise vingt-neuf ateliers partenaires en hexagone. Cependant, en dépit d’une fabrication française, leur coton brut est encore importé, mais on peut noter qu’ils produisent de plus en plus à partir de coton recyclé provenant de sources françaises.
On peut également citer la marque « Splice » qui produit des vêtements en lin. Toutes les étapes sont réalisées en France, à l’exception de la filature qui a lieu en Pologne, mais la marque cherche à relocaliser cette étape. Leur lin est cultivé en Normandie, et on a pu voir dans notre article sur les matières qu’il ne nécessite que très peu de pesticide et d’eau, ce qui renforce la démarche écologique.
Certaines grandes marques de fast-fashion tentent également de se dévoiler sur une facette plus écologique, mais attention au piège du greenwashing, qui consiste pour une entreprise à se positionner écologiquement malgré le fait que ses actions polluent. On trouve par exemple la marque H&M avec sa collection « Conscious », censée être composée de pièces plus respectueuses de l’environnement. Cependant, elle ne communique que très peu d’information sur la durabilité des vêtements et reste dans le schéma de la production de masse, soit toujours aussi polluante. Certains utilisent l’aspect écologique en tant qu’argument marketing, mais n’agissent en vérité absolument pas pour la planète : attention aux faux-amis !
Enfin, une dernière alternative écoresponsable : la seconde main. Celle-ci ne vous permettra pas de consommer neuf, mais n’empêche pas d’avoir des vêtements en très bon état. De plus, il y en a pour tous les goûts : des vêtements sortis des placards de nos grands-parents permettant d’avoir un style très seventies aux friperies spécialisées dans le luxe, c’est tout un monde qui s’ouvre à vous. En faisant fonctionner ce circuit qui offre une seconde vie au textile, on empêche la création de beaucoup de déchets, en plus de se créer une garde-robe unique et de réduire la demande de neuf ; et donc la production. Attention cependant à ne pas tomber dans le piège de la surconsommation, que l’on peut vite atteindre quand on sait qu’on donne une seconde vie à des vêtements !
On espère que cet article saura vous guider dans votre consommation de vêtements, et si vous voulez vous essayer à la seconde main, vous pouvez trouver au club tout un tas de chemises et d’accessoires en attente de leur nouvelle vie !